Guitariste multicarte, sonorisateur pour Babel, ingé son derrière les disques de nombreux groupes émergents : THOMAS RICOU a 30 ans et déjà plusieurs vies. Le 5.3 a trouvé son Vishnu ! Toujours un pied sur scène, et l’autre derrière la table de mixage.
Cette année, la rédaction du Tranzistor a été mise devant une évidence : Thomas Ricou est partout. Derrière (presque) chaque nouvel album, on tombe sur ce jeune homme à lunettes et boucles blondes. Voyez plutôt : les Allumés du bidon, Ba’al, Pourkoipanou, les Fils Canouche, les Passagers du Gawenn, Melocotón, Pierre Bouguier, Paul Faure, Yriroad ou Babel lui ont confié l’enregistrement de leur dernier disque ! Et ce n’est là que la face émergée de l’iceberg.
Dire que tout est parti du bal, « un bon compromis pour faire de la musique et de l’argent de poche ». Guitariste depuis ses sept ans, Thomas intègre un orchestre de bal de Loiron à 16 ans. Le bassiste du groupe sonorise aussi les musiciens. « Cela m’a tout de suite attiré. »
Cette rencontre est la première d’une longue série. « Je me considère extrêmement chanceux d’avoir croisé autant de gens intéressants. » En 1999, Bernard Landeau, régisseur du centre culturel Les Ondines à Changé, invite Thomas à le suivre au cours d’une journée. Sur scène : Renaud ! « Je n’ai rien capté, mais à la fin je savais une chose : c’est ça que je voulais faire ! »
Dans la foulée, il part suivre un BTS Audiovisuel à Metz. Pour son stage, il appelle le studio mobile Le Voyageur, qui enregistre des concerts (une « fusion des deux mondes : le live et le studio » qui captivait notre musicien). « Le DVD Pink Floyd 1994, c’est eux. J’appelle. Ils prennent rarement des stagiaires. Exceptionnellement, c’est possible. En revanche, leur programme s’annonce plat. Quelques temps après, le rêve : quatre jours avec Noir Désir ! J’étais une petite souris, émerveillée. » La chance, oui, mais elle se provoque.
Tour bus de baluche
Après le BTS, « ça me démangeait de rejouer ». Un jeudi à Laval, il répond à une annonce pour un orchestre de bal, passe une audition le samedi avec succès. Le lundi, il emménage… à Tarbes. Et enchaîne une cinquantaine de dates en neuf mois, une tournée avec tour bus à couchettes.
Mais « le son me démangeait… » Tiens donc. Le jeune homme passe quinze jours en stage au studio de la Seine à Paris, où il rencontre Émilie Simon. Nouveau coup de foudre… pour le métier. « Après ça, la vie de bal était finie ». Retour en Mayenne et au son : dans ce milieu, il faut se créer un réseau. Cela marche par cooptation. « Le CV n’existe pas. Si on fait l’affaire, on nous recommande. » Remplacement après remplacement, Thomas fait son trou.
En parallèle, il intègre O’Rudo, groupe de pop atmosphérique qui vivra cinq ans. « Mes cinq plus belles années musicales. Cela représentait tout ce que je voulais : à la fois planant et violent. » Thomas est fan de Pink Floyd et de Sigur Rós, comme de Neil Young. Mais aussi des Allumés du bidon ! Le steel band mayennais marquera d’ailleurs pour lui un virage important : avec leur disque « live », il réalise son premier enregistrement professionnel. « Cela va lancer tout le reste. »
Les deux techniciens du son Yannick Jeanpierre et Jean-Philippe Borgogno viennent alors de créer l’association Push Pull, dans l’objectif de soutenir les groupes amateurs. Thomas les rejoint, et réalisera ensuite ses enregistrements avec le studio mobile de l’asso. Car l’homme vient à domicile avec tout le matériel nécessaire. Idéal pour enregistrer en pantoufles ! « Je ne peux pas dissocier la musique : les notes et les fréquences, c’est un tout, explique-t-il à propos de son travail d’ingé son. Et souvent, les groupes viennent me chercher pour cette patte. La discussion avec les musiciens est essentielle. Il faut entendre la même chose qu’eux. Ensuite, parce qu’on est sur la même longueur d’ondes, je me permets d’être force de proposition. Mais c’est l’artiste qui a le dernier mot. »
En 2012, Thomas fait un remplacement lors d’un concert de Babel. Le courant passe. « Ce n’était pas qu’une relation de musicien à technicien. » Depuis, l’aventure continue. Il se trouve embarqué dans le tour de Babel, passant par le chantier des Francofolies en mai dernier. « Le concert d’ouverture, c’est l’apogée. Tu as 40 minutes pour faire les balances, tu as la pression, il y a plein de pros dans la salle. Tu n’as pas droit à l’erreur. »
La danse au pied levé
Pour la pression, il a trouvé encore mieux. En 2009, il remplace au pied levé le guitariste qui accompagne sur scène la compagnie de danse David Drouard. « J’en rêvais ! Mélanger les arts, être en interaction avec les danseurs. Sur un passage, j’ai proposé de jouer une note progressive de 7 minutes… » C’est la révolution, le chorégraphe lavallois David Drouard est séduit, et bouleverse l’accompagnement de sa pièce. Cette aventure créatrice, « c’était un tourbillon sublime ».
Tourbillon qui le mènera à travailler bientôt pour une autre compagnie, dirigée par Olivier Dubois. Thomas se retrouve à participer à la création de la « bande-son » du dernier spectacle de ce chorégraphe prestigieux, présenté au festival d’Avignon l’été dernier. « 25 minutes de guitares, sans mélodie, sans rythme, un travail de laboratoire, un délire bruitiste, une musique tellurique. » Pour 18 danseurs nus dans le Cloître des Carmes…
Le dernier projet de notre Vishnu ne vous étonnera pas : pendant le ciné-concert composé par le jazzman Alexandre Gosse sur le film Metropolis, il branche ses micros et ses machines sur le piano, pour proposer en direct un « traitement sonore ». Le son transformé, samplé, tourne autour du public. Si ses créations musicales sortaient du laboratoire, là, on entre carrément dans le centre de recherche de la Nasa. « On a démarré cet été, on sent qu’on en n’est qu’aux prémices. C’est ce que je voulais faire depuis longtemps, mais sans le savoir. Alexandre me le propose, qu’ajouter à cela ? »
On ne s’en fait pas, il trouvera bien assez vite.
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