Il est des choses, des projets, des aventures que l’on voit grandir. Le festival Ça Grézille en est. Et en plus de grandir, voilà qu’il s’épanouit… durablement. Retour sur une cinquième édition réussie.

Ah, il fait beau ce samedi 17 mai 2014. Et bon. Qui aurait espéré meilleure météorologie pour le festival de Grez-en-Bouère, après une édition 2013 pourrie par le duo pluie/froid ? Tant mieux !
Le site est cosy, taillé humain, prêt à servir une soirée printanière enfin méritée. Prêt à accueillir aussi. Du monde, des gens, des familles, des jeunes, des plus vieux… Les fûts de bière sont préparés pour l’assaut, les toilettes bien sèches, et les stands dressés haut aux couleurs de cette cinquième édition. « Rien ne se perd, tout se transforme », plaidait Lavoisier. Les quatre-vingt bénévoles le savent, avec des stands faits de palettes. Et ça le fait ! C’est beau.

Super chouette

Hop, déjà 20h45. Trois hommes montent sur la plus « petite » des deux scènes. Ce sont les trois de Jack & Lumber. Pendant près d’une heure, et devant une centaine de bonhommes, les jeunes parents mayennais d’une folk épurée et soyeuse vont envoûter l’audience, comme il faut. En douceur. « C’est super chouette », glisse une spectatrice à ma gauche. Oui, c’est chouette. Et puis, il faut dire qu’ils ont l’humour en prime. Subtil. « Merci beaucoup public chaleureux. Ça me rappelle Woodstock », lance Julien, le chanteur, après avoir joué Bear and Forbear. Les trois compères finiront leur ode avec la forte Secret Song. Et l’on regrettera peut-être que la folk music de Jack & Lumber ne puise pas plus souvent aux sources de cette dernière chanson, étincelante et progressive, avec ce final rageur, en mode post-rock… Bref, voilà sans doute le grand morceau de Jack & Lumber.

 

Pas de pause. 21h45 tapantes, et v’là les quatre hommes « salopettés » de Cotton Belly’s qui grimpent sur la grand scène et entonnent direct un a capella à quatre, claquements de mains en plus. Descendus de la verte et proche Seine-et-Marne, ils sont la belle découverte du festival. On savoure la maîtrise instrumentale des musiciens, qui oscillent entre blues, country et folk. «J’ai bien envie d’aller jouer avec eux et de faire un bon boeuf», avoue côté-coulisses Matthieu Quelen, de Jack & Lumber. Harmonica maîtrisé, batterie souple, guitares électriques dansantes, chacun des membres du quatuor en a pour son solo. Sur scène, « Kiki Etienne », Jérôme, Yann et Alex transpirent. Et on transpire avec eux.
Par moment, Yann, le chanteur, reste seul. Au milieu du plateau, alors que ses trois amis claquent du doigt, il lâche sa belle voix soul, au léger grain suave… Les influences Ben Harper ou Moriarty sont là. Et les deux à trois cents spectateurs massés devant la scène d’apprécier. «Tell me how many time», chante Cotton Belly’s. Une heure et quart exactement. On en voudrait limite plus. Mais ça se prépare sur la seconde scène. Allez, on file.

Joyeux bordel

C’est une troupe que l’on retrouve. Un orchestre. Le Marabout Orkestra. Trois sax sur scène, une gratte électrique, un soubassophone et une batterie minimaliste, menés par le saxophoniste-compositeur Johann Guihard. Mmmmh… Ça groove, merde ! Et ce dès le premier morceau, Fire in the Bus ! Au milieu du set, v’là qu’ils nous embobinent bien large avec un soit disant blues « tranquille ». Ça envoie, encore. C’est bon, c’est cool. C’est transe. Leur musique, c’est une recette de cuisine en fait. Prenez du jazz-funk bien 70’s, du Fela et Femi Kuti, du Herbie Hancock, du Gilberto Gil. Rajoutez les influences de la fanfare mancelle Zéphyrologie – la moitié de l’Orkestra en provient. Mélangez le tout et régalez-vous. L’afro-jazz de Marabout Orkestra emmène loin !

 

Minuit passé de quelques bribes. Un public nombreux et joyeux s’est déjà dirigé vers la grande scène. Et pour cause. On va avoir droit au show de Maracu’Jah et de son « reg’n’roll ». Je me dois de vous avouer que ce n’est pas ma tasse de thé. Mais je me dois, aussi et surtout, d’admettre que ça marche et plaît. Il y a un lien – certain – entre le groupe et le public. Leur chanson Forts comme des lions est reprise en choeur par la foule. Les textes, volontairement engagés, accrochent. Et du reggae, v’là qu’ils passent au rock and roll. C’est ça qu’est cool chez Maracu’Jah : ils envoient la sauce. Y en a pour son bifton. «Vous êtes prêts à foutre le bordel?», crie Ti Dash, le chanteur. Et c’est un bordel tout en douceur que les centaines de spectateurs mettent alors…

1070 !

Après une bonne cinquantaine de minutes de set, Maracu’jah laisse place à Romain Pichon – programmateur du festival – et Arnaud Bréhault – président de l’association organisatrice. Pourquoi cette entrée en scène ? Pour une annonce : 1070. C’est le nombre d’entrées, ce samedi 17 mai, à l’édition 2014 de Ça Grézille. Record. Une belle tape dans l’œil pour ceux qui, après une édition précédente gâchée par la météo, ne donnaient pas long à vivre au festival.

 

Bref, sur cette bonne nouvelle, ce sont les très attendus San Carol et leur électro-new-wave qui montent sur les planches. Trop attendus peut-être, ou trop coupés du public : on n’entrera jamais dans leur jeu. Leur galette La main invisible, si belle découverte, promettait. Mais là, ce soir, ça ne fonctionne pas vraiment. La voix du chanteur dérape souvent, côté justesse. Du coup, ça pique un peu. Dommage. On les reverra dans un meilleur jour… D’autant que leur rappel, lui, était bien agréable à l’oreille.

 

Ça Grézille #5, au bilan, est une véritable réussite. En témoigne l’intérêt des « grands » festivals mayennais qui sont passés y faire leur com’ – Les 3 Éléphants, Au foin de la rue, Les Bouts de Ficelles… En témoigne aussi l’affluence du public, venu souriant et en nombre. L’organisation au poil, la bière bien fraîche, les frites appétissantes et la programmation éclectique et équilibrée… Tout était réuni pour faire de cette cinquième édition un succès populaire. Ça Grézille, en 2014, a trouvé la bonne équation. Formule gagnante et opération réussie 5 sur 5 !