Comme son titre l’indique, l’exposition Stalactite & Stalagmite renvoie à une double expo à Pontmain et Château-Gontier, 2 lieux et 2 temps consacrés à Laurent Le Deunff, sous le signe du minéral. Chronique du 2e volet de l’exposition, visible jusqu’au 15 avril à la chapelle du Genêteil à Château-Gontier.
Pour cette seconde exposition proposée par Le Carré, scène nationale – centre d’art contemporain, il est fortement recommandé de vous munir de toute votre imagination afin de venir compléter les bribes de narration proposées par Laurent Le Deunff. Elles attestent de la persistance de certains souvenirs d’enfance qu’on appelle rêves s’ils ont déclenché la possibilité d’un ailleurs ou d’un dépassement du cadre quotidien. Ici, le dénominateur commun du rêve de l’artiste et de l’exposition est Fort Boyard, cette architecture carcérale avec cour intérieure recyclée par la télévision. On peut se demander, vue de la mer, ce qui peut bien se nicher à l’intérieur : un terrain de tennis, une oasis ? Et pourquoi pas un gigantesque bassin d’une profondeur de plus de 25 mètres ! Ça n’aurait rien d’étonnant au regard des innombrables hôtels de luxe qui se dotent de piscines alors qu’ils sont en bord de mer ; et, revenons à nos moutons, au regard de cet incessant besoin qu’éprouve l’humanité de maîtriser, pour ne pas dire supplanter la nature en lui substituant des artefacts.
Ainsi questionne-t-on le rapport entre nature et culture dans cette exposition, de même que cette forme de vie qu’on considère inerte tant elle est méditative : le caillou. Ce caillou qui devient désirable au point d’être possédé pour peu que l’on soit une sorte d’explorateur collectionneur du 19e siècle ou tout simplement un géologue capable de lire dans le cœur des pierres. Ici, le caillou est creux, il est une surface de projection onirique. Laurent Le Deunff est amateur du détournement, de cette pratique Duchampienne qui vise à déplacer des objets usuels comme visuels dans un tout autre contexte pour brouiller le sens et les sens du visiteur. Il modifie ainsi l’échelle de l’objet référent, l’oriente de manière inattendue, le réalise dans des matériaux cheap ou recyclés, le conçoit par l’intermédiaire de tutos mis en ligne par les débrouillards du net. La frontière entre artiste et bricoleur, vrai et faux, réel et illusoire devient trouble. Les signes et références s’accumulent tout en restant concentrés sous une forme minimaliste. En cela on peut parler (pour filer la métaphore minérale) de sédimentation sémantique.
L’artiste, dans l’élaboration de ses fakes revendique également un certain savoir-faire, là où il obtiendrait plus facilement l’hyperréalisme voulu avec une imprimante 3D. Enfin, Laurent Le Deunff, indique Bertrand Godot, commissaire de l’exposition, a tenu à s’inscrire dans la lignée historique du lieu. C’est-à-dire à entrer en résonnance avec les artistes qui l’ont précédé : on pense en effet aux maquettes grandeur nature de Pascal Rivet, aux mises en scène de Guillaume Bijl ou aux ready-made décuplés de Lilian Bourgeat, tous déjà accueillis au centre d’art de Château-Gontier.
Un décor de cinéma sans acteurs est comme une piscine sans eau. À la chapelle du Genêteil, il y a de l’eau, vous pourrez vous faire un film ou, comme certains l’ont déjà fait, y jeter une pièce en faisant un vœu hollywoodien !
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