Spécialistes du son, de la lumière ou du montage de décors… Aussi invisibles qu’indispensables, les régisseurs œuvrent en coulisses, pour permettre aux artistes de donner à rêver. Reportage backstage au Théâtre de Laval.
Installés dans la petite cour intérieure du Théâtre, devant une tasse de café, ils attendent les visiteurs du jour. Ce lundi de fin août est un jour de reprise pour l’équipe technique du Théâtre de Laval. Pas de fébrilité ou d’impatience, mais plutôt de la sérénité. D’ailleurs, ils ne parlent pas encore boulot, ils évoquent leur week-end en regardant quelques photos sur leurs téléphones. La sonnerie d’un SMS retentit. Franck Bellanger, le régisseur général, annonce : « ils sont là dans 20 minutes ! » Les régisseurs s’activent, le programme est prévu de longue date et chacun sait ce qu’il doit faire. Les six hommes s’engouffrent dans les coursives qui les mènent à la scène. Une immense boite noire, vide de décor, fait face aux 500 fauteuils qui s’élèvent tel un mur de velours rouge.
Après la pause estivale, le Théâtre démarre sa nouvelle saison en accueillant la compagnie parisienne Rodéo théâtre pour une résidence de deux semaines. Pas de représentation pour cette troupe de marionnettistes mais une longue période de création afin de faire naître son nouveau spectacle avec le soutien technique et financier du Théâtre. Son arrivée est prévue depuis des mois et chaque détail a été passé en revue. « Je prépare la venue d’un spectacle trois mois avant son arrivée. En relation avec la compagnie, je mets en œuvre les moyens techniques et humains qui permettront à la représentation d’avoir lieu », explique Franck Bellanger.
Mayennais d’origine, ce quarantenaire fait partie de l’équipe technique du Théâtre de Laval depuis son ouverture en septembre 2007. Il poursuit : « je suis le seul interlocuteur entre les techniciens de la compagnie et ceux de mon équipe. Je fais l’interface jusqu’à ce que ce soit trop technique. Ensuite, je laisse les spécialistes parler entre eux. Le régisseur général travaille sur la saison en cours alors que le directeur technique, en étroite relation avec l’équipe de programmation, travaille sur la faisabilité de la saison à venir ».
Ancien métalleux
Une grande porte est ouverte sur le côté de la scène pour faciliter la livraison du décor qui arrive à l’instant. Une lumière blanche découpe les silhouettes des six régisseurs qui observent l’arrivée de la petite camionnette de Rodéo théâtre. Christophe Delière, régisseur plateau, aide au chargement du matériel dans le monte-charge, alors que ses collègues prennent le relais pour entreposer les éléments de décor et les accessoires au fond de la scène.
Pour Christophe, « la qualité de l’accueil est une priorité, il faut que les gens qui viennent au théâtre se sentent bien ». Son domaine c’est la scène. « Le régisseur plateau s’occupe des décors, du son, de la lumière, il donne la main quoi ! », et pendant le spectacle, c’est de la sécurité et de la machinerie des décors dont il a la responsabilité. La voix rocailleuse, les cheveux longs attachés en chignon, cet ex-guitariste de metal est passionné par son travail : « Ici, pas de routine, on ne fait jamais la même chose, j’aime ce renouvellement, ça me fait voyager. Ici, c’est le monde qui vient à nous. » Mais à 50 ans passés, Christophe avoue que le métier est rude, « les journées sont denses, on finit tard, on travaille le week-end. C’est un métier physique, on marche beaucoup, les spectacles s’enchaînent – 35 à 40 par saison au Théâtre – et on n’a pas trop le temps de souffler, il faut être présent, pas le choix. »
Kind of magic
Des contraintes relevées par tous ses collègues, qui le précisent aussi en chœur : c’est la passion qui les anime avant tout. À l’image de Rémy Crouillebois. Normand d’origine, cet électricien de formation a passé 25 ans à la salle polyvalente de Laval avant de s’engager dans l’aventure du Théâtre dès son ouverture. « J’aurai pu prendre ma retraite puisque j’ai 60 ans. Mais je n’ai pas envie que ça s’arrête. » L’œil rieur derrière ses lunettes, Rémy avoue malgré tout qu’il a réfléchi avant d’accepter de rester : « il faut être prêt moralement et physiquement pour attaquer une saison au Théâtre, c’est difficile et exigeant ». Rémy est régisseur lumière : « il y a deux facettes dans mon métier. Soit j’accompagne une compagnie en lui mettant mon matériel et ma connaissance des lieux à disposition, soit je crée moi-même la lumière pour habiller l’artiste et son spectacle. C’est la création que je préfère ».
Ronan Le Gall, le second régisseur lumière du Théâtre partage la passion de Rémy. Pour lui, il faut surtout être rigoureux et humble pour exercer ce métier. « Il faut savoir se remettre en question aussi, car la technologie évolue sans cesse. » Rémy et Ronan sont unanimes : « on fait partie du spectacle, si on nous enlève, on perd une partie de la magie ».
Au milieu des fauteuils rouges, dans la salle, Benoît Bouvier et Pascal Franchi, régisseurs son et vidéo, échangent avec Tal, la créatrice sonore de la compagnie. Pour elle, c’est simple : « sans les régisseurs, ce ne serait pas possible de travailler. Ils rendent transparentes les contraintes du lieu pour nous permettre de nous consacrer à l’essentiel ». Benoît ajoute : « Mon rôle est de faciliter le travail des compagnies, je sonorise, et diffuse les sons au public, je fais aussi de la projection vidéo mais mes actions doivent être invisibles. Si le public a l’impression que je n’ai rien fait, alors j’ai réussi mon job ! »
Simon Delattre, marionnettiste et metteur en scène de Rodéo théâtre, observe, ému, son équipe monter le décor de son futur spectacle. C’est la première fois qu’il le voit en entier. Les régisseurs du Théâtre sont à l’affût du moindre besoin, de la moindre question. Simon sait qu’il peut compter sur eux, il est convaincu que : « leur rôle est déterminant dans la qualité du travail de création du spectacle », qui sera présenté au Théâtre en avril (plus d’infos ici).
Alors que sur la scène la compagnie fait évoluer son décor, l’équipe technique s’est éclipsée. Installés dans leur bureau, les régisseurs préparent la venue du prochain spectacle. Tout en décortiquant les fiches techniques, où les compagnies précisent leurs besoins en matériel, ils l’assurent : la réussite d’une représentation réside en grande partie dans sa préparation en amont, et c’est aussi cela qui construit chaque jour la réputation des lieux.
Article paru dans le dossier «Saisons culturelles, regard en coulisses » du numéro 64 du magazine Tranzistor.
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