La rumeur, flatteuse et persistante, a désormais gagné les hautes sphères des milieux autorisés : le sieur Zukry, figure de proue du label q.o.d., serait un mec inénarrable. Et sa musique, proprement inqualifiable.
Car nous autres chroniqueurs zélés n’aimons rien tant que de coller des étiquettes. Zukry, beau joueur, nous a mâché le boulot, et présente sa dernière production comme « une trilogie oscillant entre ambient, electronica et musique concrète ». Avec ces trois pièces de 20 minutes chacune, c’est une oeuvre-somme que livre le facétieux Lavallois. Car voilà de longues années qu’il se plaît à dégainer son magnétophone de poche pour capter le bruissement diffus du monde et sa myriade de sons quotidiens : cloches d’église, chants d’oiseaux, trafic urbain, verres brisés, bribes de dialogues sans queue ni tête… Cette matière est compilée ici pour servir de fil rouge à un climax beaucoup plus riche : sans réelle assise rythmique, à base de textures frémissantes, de bourdonnement épars, de micro-gouttelettes de notes s’instaurent des ambiances fugaces entre deux ruptures qui étourdissent. C’est souvent sombre, oppressant, parfois flippant lorsqu’une diva d’outre-tombe entame un opéra tremblant, ou juste gracieux quand un accordéon bancal donne des couleurs à un quai de métro.
Plongé dans cette toile sonore impressionniste, au trait vif et d’une minutie incroyable, on perçoit une « inquiétante étrangeté », comparable aux films de David Lynch, ce basculement trouble d’une oeuvre complètement singulière vers un ressenti étonnamment familier, comme chuchotée à notre inconscient. Une musique à écouter d’une traite, au casque et dans le noir : avant que Morphée ne vienne vous happer.
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