Depuis 1992, le café-concert Chez Fabienne, devenu ensuite CHEZ PHILIPPE, trace sa route contre vents et marées. Une véritable institution, doublée d’une belle histoire d’amitié et de passion.
Alors oui, bien sûr, au début on ne s’est pas gêné pour rigoler : un café-concert dans un bar-tabac-épicerie de Montenay, ce petit bled du côté d’Ernée ? Ça ne marchera jamais ! Personne n’ira jusque là-bas – pas plus le public que les artistes !
C’était sans compter la personnalité de Christian Hamon, le mari de la patronne d’alors (quand ça s’appelait Chez Fabienne), lequel ne se lançait pas dans l’organisation de concerts sur un coup de tête, ni dans l’idée de gagner le jackpot, loin s’en faut, mais bel et bien par passion. D’une famille de musiciens, les mots ampli, sono, micro, prise jack lui étaient au moins aussi familiers que percolateur ou tireuse à bière. Et puis, sillonner la Mayenne avec un paquet d’affiches et un seau de colle dans le coffre n’était pas non plus de nature à effrayer le bonhomme – Christian est aujourd’hui chauffeur routier.
Résultat : 22 ans ont passé, et non seulement Chez Philippe est à présent le seul café-concert équipé et configuré comme tel en Mayenne, mais il s’est surtout imposé, au fil des années, comme une référence et un lieu incontournable dans les road books des groupes alternatifs de l’Hexagone. Les musiciens adorent venir y jouer, le public suit et le patron retombe sur ses pattes financièrement – que demander de plus ?
Étape 4 étoiles
La cohérence de la programmation est très certainement l’un des ingrédients majeurs de la notoriété du lieu. Là-dessus, les deux patrons successifs n’ont jamais dévié. Christian, membre actif d’Au Foin de la Rue et l’un des premiers programmateurs du festival dyonisien, reste très impliqué dans le choix des artistes – les radios indépendantes qu’il capte partout en France dans son camion sont une mine d’or. L’esprit du lieu c’est lui qui l’a créé. Et si l’on devait lui coller une étiquette ce serait « alternatif », sans hésiter.
Elmer Food Beat, La Rue Kétanou, Maximum Kouette, Les Ramoneurs de Menhirs, Karpatt, Le Ministère des Affaires Populaires, HK & Les Saltimbanques, Le Pied de la Pompe… Autant de groupes porteurs d’un message à tendance libertaire, et capables de mettre le feu et le smile à une salle de 200 personnes – la jauge du lieu.
Ce sont ces groupes, à raison d’une trentaine de concerts par an, qui ont fait le succès de Chez Philippe. Et pour s’assurer leur fidélité, pour qu’ils en parlent et reviennent jouer à Montenay – même après avoir blindé l’Olympia ou être passés à Taratata -, Christian et Philippe n’ont jamais rechigné à les bichonner. Côté bizness, tout a toujours été parfaitement réglo – on ne plaisante pas avec ça. Mais surtout, dans ce petit coin de la Mayenne, on a le sens de l’accueil et ça commence à se savoir. Non seulement les musiciens peuvent dormir sur place (ce qui n’est pas le cas partout), mais il se dit aussi que la cuisine du patron est un vrai régal (y compris pour les végétariens, voire les végétaliens, c’est dire !). Ajoutez à cela que le bar leur est accessible à volonté, et vous aurez compris pourquoi le caf’conc’ est devenu une étape quatre étoiles pour tout musicien en tournée.
D’autant que Philippe Ollénic ne s’est pas endormi sur les lauriers de son prédécesseur. Après un agrandissement du lieu en 2004, il a investi plus de 20 000 euros l’année dernière dans des travaux d’aménagement et du matériel de scène. Une double porte pour simplifier l’accès au plateau, un pont lumières, une sono, une console numérique… Philippe en a surpris plus d’un qui ne s’attendait certainement pas à trouver un tel confort de jeu dans un café de campagne.
Produits locaux
Les assos locales peuvent d’ailleurs elles aussi profiter de cet équipement, et ne s’en privent pas. Pour peu que leur projet tienne la route, Philippe leur laisse la salle gratuitement. Pas besoin pour ça de proposer un concert dans la lignée de la programmation habituelle. Chanson française, jazz, ragga, metal, rhythm & blues, du moment que la qualité est là, toutes les musiques actuelles ont droit de cité.
D’ailleurs, la plupart des groupes mayennais, dès qu’ils ont un set présentable, viennent jouer du côté de Chez Philippe. Pierro et Jef de La Casa, à une lointaine époque, y ont même été barmans avant de connaître ce plaisir. Et, comme il se doit, Archimède y a fait le plus d’entrées toutes catégories confondues.
En revanche, il faut bien le reconnaître, la déco n’est pas folichonne – on peut même parler d’absence de déco, ce qui est en soi un concept. Mais le public n’est pas oublié pour autant. L’accueil est chaleureux et le prix du billet toujours calculé au plus juste. Philippe refuse d’entendre que quelqu’un n’est pas venu à un concert « parce que c’était trop cher ». Et puis, il n’oublie pas non plus que l’on vient jusque chez lui en voiture. Lorsqu’il repère un « capitaine de soirée », les jus de fruits et les sodas lui sont offerts.
Preuve est faite, s’il en était encore besoin, qu’avec un peu de bon sens, du boulot et beaucoup d’enthousiasme, un café-concert peut trouver sa raison d’être à peu près partout. En espérant que cette réussite en inspire d’autres.
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