Près d’un an après une première émission enregistrée sans public, retour au magnifique Théâtre des Ursulines à Château-Gontier, avec sur scène Gibraltar, Ferdinant et Bleu Gras.
Jamais deux sans trois, dit-on. Annulée deux fois, Covid oblige, la venue de Gibraltar dans Tranzistor l’émission se concrétisait enfin ce jeudi 12 mai. Une date historique donc, d’autant que le quartet jouait aux Ursulines le premier concert de sa courte existence, démarrée il y a deux ans. Soit juste avant qu’une pandémie mondiale et quelques pépins de santé ne viennent contrarier les plans du groupe initié par Matthieu Quelen.
Passé par le reggae, le jazz manouche ou le folk, et explorant désormais avec Gibraltar les musiques méditerranéennes, ce guitariste « très curieux » est la preuve que le parcours d’un musicien ne se cantonne pas à un genre ou un univers musical. Quelques cours de guitare flamenco mettront le Lavallois sur la piste de ces répertoires, dont il avoue ne pas être un fin connaisseur. Plutôt qu’une tradition dans laquelle s’inscrire, Matthieu Quelen y voit une source d’inspiration. Creuset où se mêlent sonorités gitanes et nord-africaines, ses compositions empruntent à ces musiques leurs couleurs et climats pour en livrer leur propre lecture. Une libre interprétation qui fait la part belle aux rythmes ternaires, improvisations et mélodies à l’évidence presque pop.
Écrits en solitaire, ces morceaux ont considérablement étoffé leur caractère métissé au contact des trois experts en passage de frontière qui ont rejoint le capitaine du navire. Souplesse jazzy avec le contrebassiste Nicolas Roche, touche manouche instillée par le guitariste Stéphane Robin, finesse des percussions que dégaine Nicolas Marchand, passant du derbouka au tapan macédonien…
En arc de cercle, les quatre compagnons semblent veiller sur leur musique comme sur un feu de camp, qui appelle tantôt à une contemplative méditation, tantôt à la fièvre d’une nouba endiablée.
Besoin vital
Depuis qu’il est musicien, la tentation de chanter en français démange Timothée Gigan-Sanchez. Parce que les mots qu’on chante dans sa langue natale résonnent avec une profondeur incomparable, et « qu’au moins, ma belle-mère comprend mes chansons », rigole le chanteur de Ferdinant. À ses débuts pourtant, il optera pour l’anglais. Plus raccord avec le registre folk-rock de son premier groupe, Rotters Damn. Moins intimidant aussi.
Dans le second album des cowboys castrogontériens, paru en 2017, une chanson, interprétée en partie en français, contient en germe celles de Ferdinant. Y plane le même lyrisme rock évoquant le « Noir Désir de la grande époque », assume le chanteur qui cite aussi volontiers Raphaël ou Feu! Chatterton parmi ses références.
Le duo, où Corentin, ex-batteur de Rotters Damn, a rejoint Timothée, mettra quelques années à éclore, courant 2021. Le temps que se ravive ce besoin vital de dire au monde ce qu’on ne peut plus garder pour soi. Les textes de Ferdinant explorent la sphère sociétale comme celle de l’intime. Les gilets jaunes défilent dans « La rue », pendant que « Mec » évoque la mort d’un proche.
L’émotion est là, au cœur des chansons, portée par le vibrato puissant de Timothée, que soutiennent solidement les productions impeccables de Corentin, entre électronique, guitare et batterie.
Bien qu’il fasse encore ses premiers pas sur scène, Ferdinant tient solidement debout. Et n’a visiblement pas fini de grandir.
Billie the kid
Depuis son premier passage en 2018 à Tranzistor l’émission live, Bleu Gras est passé de quartet à quintet, accueillant désormais Adam, chanteur et joueur de mandoline de choc. Créé en 2016, ce gang en salopette (leur dress code sur scène) verse dans le bluegrass. Apparu dans les années 40 aux USA, ce genre musical très rythmé, joué avec des instruments à cordes (ici banjo, contrebasse, mandoline, guitare et violon), mixe blues et jazz aux folklores des pionniers anglais, irlandais et écossais.
Tombé raide dingue du banjo, Marco, à l’origine du groupe, se passionne pour cette musique qui, comme nulle autre, permet aux musiciens de jouer ensemble quels que soient leurs niveaux. Un esprit de rencontre et de partage qui explique sans doute, ajouté à sa dimension ultra rythmique, l’irrépressible envie de participer, des pieds ou des mains, que provoque la musique de Bleu Gras.
Associant trois paysans bio à un prof d’anglais irlandais et un violoniste british, le groupe trouve d’abord sa raison d’être dans le plaisir de faire de la musique ensemble. Et si d’aventure un public en profite, c’est encore mieux…
Derrière son apparente désinvolture (pas de site web, de page Facebook, de photo de presse…), le groupe cache mal son exigence musicale. Ça bosse dur dans la grange et ça s’entend : mise en place rythmique ultra efficace, pulse d’enfer, banjo qui tricote en mode virtuose, polyphonies vocales au poil… Avec Bleu Gras, la pampa du 5.3 prend soudain des airs de Midwest.
Après avoir introduit son live en relevant le défi de relire sous un angle nouveau l’inoxydable « Wayfaring stranger », morceau traditionnel mille fois repris, le quintet conclut par une version, à la fois totalement improbable et évidente, du « Billie Jean » de Mickaël Jackson… à qui on ne soupçonnait pas que le Stetson et la chemise bûcheron allaient aussi bien.
Une émission proposée par Mayenne Culture, en partenariat avec Le Carré, L’Autre radio et L’Œil mécanique.
Chaque premier jeudi du mois à 21h sur L’autre radio, Tranzistor l’émission accueille un acteur de la culture en Mayenne : artiste, programmateur, organisateur de spectacle… Trois fois par an, Tranzistor part en « live » pour une émission en public. Au programme : interviews et concerts avec deux ou trois artistes en pleine actualité.
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