Autant vous le dire tout de suite, la musique électroacoustique, le field recording représentent pour moi un refuge, un lieu unique dans cette vie : dans l’un de ces moments de rare clairvoyance et de lucidité aveuglante que je connais généralement durant une longue douche, j’ai compris qu’il n’existait aucune chose sur cette terre pouvant apaiser ce qui n’allait pas chez moi, exceptée la musique.
Mirage de Loire possède ce pouvoir de consolation sublime. En écoutant cette longue et unique pièce de 23 minutes, je ne boudais pas mon plaisir à rêver d’une France où Hervé Moire deviendrait mainstream, où des hordes d’iPod déverseraient de la beauté, où les citoyens se nettoieraient d’années de « noise pollution » nocive.
Composé et mixé entre 2008 et 2010, ce morceau utilise des enregistrements captés sur les bords de Loire. Là où le fleuve est le plus sauvage, près d’Oudon, à l’Est de Nantes. Cinéaste pour l’oreille, Hervé Moire y peint un paysage sonore dans lequel les sons de la nature (eau, végétaux, insectes…) embrassent ceux de l’électronique, ici scintillante et contemplative. Sans chercher à représenter un univers plus riche, comme souvent dans ce genre de musique (où les sons sont parfois enrobés de nappes mielleuses de violons aux accents de compilations pour séances de relaxation), il nous invite à questionner notre perception des sons. Quand le bruit devient-il de la musique ? Et vice-versa ? Vaste débat…
On remerciera l’excellent label Aposiopèse, né dans nos contrées, pour la qualité esthétique de ses productions, qui sonnent pour moi comme des lettres amicales, écrites au milieu de la tempête et adressées avec finesse, depuis Bruxelles.