C’est rare. Une fois par an environ, il m’arrive de ressortir d’un concert sans trop savoir où je suis, tellement le voyage a été marquant. Ce fût le cas ce 25 janvier à Mayenne. Mayra Andrade m’a subjugué. Ce commentaire est absolument subjectif, absolument dithyrambique. Comment le justifier ?

 

Bien. Pour ceux qui ne connaissent pas Mayra Andrade : il s’agit d’une chanteuse du Cap Vert de 22 ans, installée depuis plusieurs années à Paris. Accompagnée de quatre musiciens brésiliens fantastiques (deux guitares, une basse cinq-cordes et des percussions à foison), elle propose un répertoire basé sur les musiques du Cap Vert, mais plus encore. Le Cap Vert, ce sont des îles lusophones au large de l’Afrique. A la croisée des mers, la musique se promène : la ferveur des rythmes d’Afrique rencontre la richesse des guitares du Brésil. Beau mariage. Le Cap Vert foisonne de couleurs, le Cap Vert captive, c’est un Cap de bonne espérance, de sourires et de danse.

 

Bien. Mais il ne suffit pas de connaître l’album : la scène est un monde à part entière, pour Mayra Andrade en particulier. La jeune chanteuse parle de la puissance et de la frénésie du batuque, de son lien à la terre : assistez au concert et vous comprendrez ce qu’elle veut dire. Les vibrations ont envahi le coeur de chacun. Ce qu’on était loin d’imaginer, c’est le timbre de voix de Mayra beaucoup plus éraillé et chaud qu’à ses débuts. Quand on veut faire vite, on compare la miss à Cesaria Evora, la grande dame du Cap Vert. Normal, le grand public ne connaît qu’elle. Pourtant, leurs musiques sont bien éloignées. Mayra chante avec une voix à la Amy Winehouse, à la Angélique Kidjo, et se frotte aux divas du jazz dans certaines envolées. Curieusement, elle rappelle aussi le chanteur français Anis dans certaines intonations, sur cette chanson en français composée par Tété : « Comme s’il en pleuvait ». Elle évoque la vie dorée d’une princesse devenue mendiante. « Prétendants et jeunes premiers comme s’il en pleuvait », entonnée par une princesse à laquelle on ne souhaite pas une fin si dure. Le public français reprend en choeur et en redemande. Quand Mayra dit qu’elle chante sous sa douche et qu’elle veut s’engager dans l’association Free Hugs (câlins gratuits), tous les hommes de la salle l’approuvent. Et toutes les femmes sont jalouses.

 

En fait, il y a de quoi être jaloux : cette fille est belle, sa voix est belle, sa musique est belle, ses musiciens sont beaux. Finalement, il n’y a que quand elle chante des mornas tristes qu’on ne veut pas la croire ! Mais en fait le pire, c’est que même cela vous donne des frissons.
Pour partager un moment avec cette chanteuse, un long documentaire est visible sur son site où on peut revivre l’ambiance des concerts et écouter Mayra parler d’elle dans un français parfait et se promener sur le pont du Dernier tango à Paris. Elle dit qu’elle a toujours voulu chanter : « Je sais que je vais chanter. Je prends mon temps parce que de toutes façons, c’est ce que je dois faire ». A 22 ans. Qu’est-ce que cela aurait été si elle s’était précipitée !