Rien de tel qu’une chanson pour oublier ses douleurs et retrouver le sourire ! À la maison de retraite de Ballots, chacun goûte avec bonheur l’atelier proposé par Anne Dugué, musicienne- intervenante aux petits soins des résidents.
Si la musique adoucit les mœurs, elle peut aussi panser les plaies. Les 43 de La Closerie, l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Éhpad) de Ballots en savent quelque chose. Tous les quinze jours, ils reçoivent la visite d’Anne Dugué pour une heure d’animation musicale. Accompagnée de sa flûte, de sa guitare et de sa bonne humeur, l’intervenante rejoint les plus valides dans la salle de restaurant, à la fin du goûter. Un moment propice à l’échange et au partage. Cahier de chants à la main, les aînés se remémorent les airs que chacun entonnait, autrefois, dans les repas de famille… « Mon répertoire va des chants traditionnels aux chansons populaires des années 30 à nos jours », explique Anne. En dépit des mémoires parfois défaillantes, les paroles reviennent, les visages s’illuminent.
« Ce sont des moments furtifs, mais qui font énormément de bien à nos résidents », rapporte Sandrine. En poste à La Closerie depuis dix-neuf ans, cette aide-soignante suit actuellement une formation pour devenir animatrice. « On sait que la musique leur apporte beaucoup. Auparavant, des bénévoles venaient chanter pour eux. Mais les résidents étaient assez passifs. Avec une musicienne-intervenante professionnelle, c’est différent. Et puis, Anne n’a pas seulement des compétences en musique, elle a tout un savoir-être et une pédagogie qui correspondent à leurs
besoins », s’enthousiasme Sandra, animatrice à Ballots depuis presque vingt ans.
Le groupe travaille aussi le rythme, grâce à de petites percussions : cymbalettes, maracas, tambour, triangle, grelots… « Certains ont fait partie de fanfares quand ils étaient jeunes. L’ exercice leur rappelle forcément des souvenirs… », note Anne.Le moins que l’on puisse dire, c’est que la jeune femme est attendue. « Elle a une voix mélodieuse, et elle est pleine de vie ! », rapporte Christiane, résidente, qui ne manque jamais une séance.
En fonction de l’état de santé de chacun, Anne adapte sa prestation. Pour certains, la communication est rendue difficile par la maladie. Le rapport aux autres devient compliqué, l’agressivité s’installe parfois. « Je pense notamment à un monsieur qui a beaucoup de mal à entrer en contact avec le groupe », confie Anne. « Un jour, dès que je suis arrivée, les animatrices m’ont informée qu’il était très agité. Je suis allée dans sa chambre et je lui ai chanté une chanson. Il est resté impassible, de bout en bout, en me fixant dans les yeux. Pour finalement lâcher : “ fi d’garce, qu’est-ce qu’elle a une belle voix ! ” »
Musicothérapie pour tous
À l’Éhpad de Ballots, la musique et le chant sont des éléments importants pour le bien-être des résidents. « Il y a quelques années, l’ensemble du personnel a été sensibilisé à la musicothérapie », se souvient Sandrine. « De la veilleuse de nuit à l’infirmière de jour, en passant par les agents de cuisine, tout le monde a suivi cette initiation », précise Sandra. « Aujourd’hui, quand les collègues effectuent un soin ou une toilette, le fait de chanter une chanson permet parfois d’adoucir les choses. » Très à l’aise dans son rôle, Anne Dugué apprécie le contact avec les personnes
âgées. « Intervenir en maison de retraite est une démarche évidente pour moi », explique-t-elle. « Ma mère est aide-soignante dans une unité Alzheimer, à Saint-Saturnin-du-Limet. Quand j’étais enfant, j’allais y jouer de la flûte au concert de Noël. »
Titulaire d’un DUMI (diplôme universitaire de musicien-intervenant), Anne travaille au sein de l’établissement d’enseignements artistiques du Pays de Craon. En 2014, Johann Lefèvre, directeur de l’ÉEA, souhaite développer des actions dans les Éhpad du secteur. Tous deux font la tournée des sept maisons de retraite du territoire, rencontrent les équipes, leur expliquent ce que Anne peut proposer dans chaque établissement. Tout le monde adhère.
À côté des écoles où elle intervient toutes les semaines, Anne Dugué sillonne donc désormais les Éhpad, auprès de personnes âgées dépendantes. « Je ne me considère pas comme thérapeute. Je suis musicienne avant tout », estime Anne. Toutefois, les bienfaits que procure son atelier sont indéniables. « Quand Anne est là, nos résidents oublient leurs maladies, leurs douleurs, leur âge. Ils retrouvent une certaine insouciance », apprécie Sandrine. « Je leur apporte, mais ils m’apportent aussi beaucoup », renchérit Anne. « Même si ça ne se traduit pas toujours par un échange verbal. Parfois un regard, un sourire suffit. C’est très fort ! »
L’an passé, un petit groupe de résidents a participé à Germaine and the kids, un projet musical intergénérationnel piloté par Pierre Bouguier qui réunissait des aînés des sept Éhpad du Sud-Mayenne et les élèves d’une classe de CM1-CM2. Présenté au festival Les Embuscades, à Cossé-le-Vivien, le spectacle a conquis le public. « Les familles étaient impressionnées de voir ce que leurs parents étaient capables de faire sur scène », confient Sandrine et Sandra. Le samedi 2 avril, une nouvelle représentation était donnée au Grand Rex, à Paris ! Pour les résidents de Ballots, c’était la consécration. Anne Dugué, qui a accompagné la création, était du voyage, bien sûr. L’aventure continue…
« L’art pour mieux vivre »
Assistant de soin en gérontologie au centre pour personnes âgées Saint-Joseph, affilié au centre hospitalier de Château-Gontier, Lionel Jeannot pratique l’art-thérapie depuis 2011 au sein des différents services de l’établissement (accueil de jour, unités pour les personnes atteintes de maladies neurodégénératives…). En amateur, ce trentenaire au look (discrètement) punk pratique le dessin et la peinture « pour se reconstruire, se retrouver ». Lorsqu’il découvre l’art-thérapie, il a spontanément envie d’adopter cette démarche lors des animations proposées aux personnes âgées avec lesquelles il vit au quotidien. Sculpture, peinture, collage, dessin… Les techniques sont multiples et le cadre des ateliers très précis, même si l’aide-soignant veille à ce qu’il ne soit pas trop contraignant : l’objectif est que chacun puisse s’exprimer en toute liberté. « Pour pouvoir extérioriser ses blocages, poser ses valises. Les traumatismes liés à la guerre ou la disparition d’un proche reviennent très souvent. En peignant, en dessinant, on peut s’en détacher, prendre de la distance. Au-delà de l’occupationnel, des objectifs de sociabilité et de motricité, il s’agit de lâcher prise, de se ressourcer, pour mieux vivre .»
Article paru dans le dossier « L’art peut-il soigner ? » du numéro 65 du magazine Tranzistor.
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