Mayennais d’adoption, François Dermaut, dessinateur des célèbres Chemins de Malefosse, fut un pionnier majeur de la bande dessinée historique. Le 19 mars, nous apprenions son décès, à l’âge de 70 ans, suite à une longue maladie. Portrait, en quelques traits, d’un artiste virtuose, grand amoureux du dessin, des femmes et de la Mayenne…

Virus. Victime autodéclarée du virus de la BD, le jeune François Dermaut, né en 1949 à Tourcoing, le décide du haut de ses 7 ans : il sera dessinateur de bande dessinée. Encouragé par son père, peintre amateur, il reçoit une formation artistique, et « descend à Paris », où il travaille d’abord pour la presse jeunesse. Puis il crée en 1982 avec le scénariste Daniel Bardet Les chemins de Malefosse. Fondatrice, la série, que les deux complices poursuivront jusqu’en 2007, se vendra à 1,2 million d’exemplaires. Un succès populaire qui doit beaucoup aux qualités de son dessinateur : trait à la perfection « honteusement classique », expressivité des personnages, richesse des décors, qualités cinématographiques des cadrages et plans-séquences… Cet adepte de la couleur directe colorise ses planches à l’aquarelle sèche. Une technique exigeante et chronophage, qui requiert une maîtrise et une précision d’orfèvre. Quintessence de ce savoir-faire : les très beaux journaux de voyage que Dermaut signe au début des années 2000, dont ses Carnets de Saint-Jacques-de-­Compostelle. Récit illustré d’un périple pédestre entrepris après un radical changement de vie, qui le verra se défaire de son addiction à l’alcool.
Histoire de fou. Ce fou d’histoire, qui « détestait dessiner des bagnoles », accordait une attention maniaque, quasi pathologique, à l’authenticité historique des objets, armes, vêtements, meubles, bâtisses et autres monuments qu’il représentait. « Quand je dessine une charrette, il me faut la doc pour dessiner le bon essieu, le bon nombre de boulons, etc. » Un souci ultra poussé du réalisme que ce virtuose pétri de doutes regrettait parfois : « j’aimerais pouvoir être plus direct, expressif… Mais je ne sais pas me lâcher, c’est une des difficultés de ma vie ».

Love du 5.3. Au mitan des années 2000, ­François ­Dermaut s’installe à Montflours puis à Livré-la-Touche. Coup de cœur. « Je suis amoureux de la Mayenne. Les paysages sont beaux. Les gens sont authentiques. J’aime la campagne, la vraie, avec des bouses sur les chemins… » Un brin casanier, il répond aux festivals qui l’invitent par une photo prise depuis la fenêtre de son atelier : « qu’avez-vous de mieux à m’offrir ? ». Le dessinateur collabore notamment avec le musée du Château de Mayenne, pour lequel il réalise une superbe série de dessins commentés, retraçant l’histoire du château carolingien.
Femmes, je vous aime. Les femmes furent au centre de ses bandes dessinées, qui magnifient le corps féminin sans le fétichiser. Égales des héros masculins dont elles ne servent jamais de faire-valoir, elles y jouent souvent les premiers rôles. À l’image de Rosa, héroïne de son dyptique éponyme, dont le dernier tome est paru en 2019. Cette histoire, dont François Dermaut signe le scénario comme les dessins, met en scène une femme puissante, renvoyant les hommes à leur machisme. Un récit féministe donc, que l’artiste considérait comme son « chef d’œuvre ».

À lire
Le dossier très complet consacré à François Dermaut par le site BD Zoom.

 

Article paru dans le dossier « Bande dessinée, rencontres du 9e type » du numéro 68 du magazine Tranzistor.