20Syl : Avant Hocus Pocus, j’ai touché à pas mal d’instruments, trompette, vibraphone, flûte… puis j’ai joué de la batterie dans différentes formations, des groupes de fusion… Je faisais du skate aussi à l’époque. Dans les années 95-96, hip-hop et skate étaient très liés. J’ai pu découvrir comme ça des trucs comme le Wu Tang, Gravediggaz… Emporté dans ce mouvement, j’ai eu très vite envie de reproduire moi-même cette musique-là. J’ai commencé à toucher aux machines et puis progressivement, j’ai lâché la batterie pour me concentrer sur la programmation. En 96, avec Cambia, un autre MC qui ne fait plus parti d’Hocus Pocus aujourd’hui, on a sorti une première cassette puis en 98 un album autoproduit, sur lequel DJ Greem est venu nous rejoindre.
Suite à la sortie de ce disque, on a donné quelques concerts mais c’était loin d’être concluant. On était juste 2 MC et & 1 DJ sur scène, c’était super statique, tout mou… On manquait grave de présence, de contact avec le public.
C’est cette mauvaise expérience qui vous a conduits à la formation live actuelle ?
Ca a été un des moteurs, trouver une formule qui fonctionne sur scène. Lorsqu’en 2001, après un petit break, on a commencé à travailler avec des musiciens, on s’est dit : « là, sur scène, ça peut être efficace ». Quelque part la formation live, c’est le choix de la facilité. C’est beaucoup plus risqué et difficile de monter sur scène seul avec un DJ. Et puis de par mon passé de musicien, c’était évident pour moi d’utiliser des instruments dans Hocus Pocus. Ceci dit, j’ai eu une période où je ne jurais que par les machines. De toute façon que ce soit avec les instruments ou avec les samples, il y a toujours un travail de composition. Lorsque je sample, j’utilise des fragments de son très courts que je rassemble ensuite pour les recomposer de façon originale. En fait, c’est plus pour leur son que pour leur intérêt mélodique qu’on utilise les samples. Pour leur coté un peu crado et cette chaleur que te ne trouveras jamais dans un enregistrement de batterie actuel, à moins d’enregistrer dans les conditions de l’époque. En samplant des vieux vinyles de jazz ou de funk, tu peux retrouver ce son vieillot et chaleureux. Le son vinyle génère une légère saturation du son, du souffle et des craquements qui donnent au son un grain super efficace et une patate monstre.
Notre prochain album est d’ailleurs en grande partie composé de samples, auxquels viennent s’ajouter des instruments. Sur scène, par contre tout est réinterprété de façon totalement acoustique. C’est plus jazzy et spontané, moins mécanique. On peut prendre des libertés avec les morceaux, les allonger, partir dans des impros…
Au delà de l’importance que vous accordez à la scène, vous revendiquez un esprit « fresh », une attitude positive qui tranche avec la majorité de la production hip-hop actuelle…
On ne se sent pas du tout en phase avec la façon dont le hip-hop a été récupéré, et comment l’envisagent beaucoup de groupes aux Etats-Unis ou en France. Chacun a sa conception des choses, ses préoccupations personnelles qui influencent sa manière de voir le hip-hop. On n’habite pas en banlieue, on ne va pas faire comme si… Si on revendique les valeurs positives qui étaient celles du hip-hop à ses origines avec Afrika Bambaataa, ça n’est pas histoire de se la jouer « ouais nous on incarne le vrai hip-hop, les valeurs originelles et tout ça », mais c’est parce qu’on se reconnaît dans cet état d’esprit. Si on fait de la musique, c’est pour s’amuser, prendre et donner du plaisir, donc on ne va pas s’enfermer dans des trucs sombres ou négatifs. On s’inscrit plutôt dans un hip-hop positif et jazzy, dans la continuité de groupes comme A Tribe Called Quest, De la Soul, Hieroglyphics ou Funkdoobiest…
Cette attitude se traduit aussi dans vos textes…
Je préfère employer l’ironie qu’un ton didactique et moralisateur. Mes textes se situent plus dans l’implicite, le second degré. Je préfère aborder un sujet de façon détournée, que ce soit par le biais de l’humour ou de l’autodérision, que foncer droit dans le mur. Ca ne nous empêche pas de passer des messages aussi incisifs et lucides que dans un texte sombre écrit au premier degré. A la limite, je me reconnais plus dans la chanson française, de Vincent Delerm à Georges Brassens, que dans le rap pur et dur. Au niveau de l’écriture surtout, il y a de grandes claques à prendre…
Votre prochain album sortira sur votre propre label On and On, au sein duquel on retrouve aussi le collectif de DJ’s, Coups 2 Cross. Pourquoi avoir fait le choix de l’autoprod ?
Au départ pour être tout à fait honnête, c’est plutôt par manque de contacts et d’opportunités que par choix… On a toujours fonctionné de manière autodidacte aussi bien en ce qui concerne la musique – lorsqu’on a commencé, on avait aucune notion d’écriture ou de programmation – qu’en ce qui concerne le graphisme des pochettes ou la production de nos disques. Au départ tu fais avec les moyens du bord puis au fur et à mesure les moyens techniques s’améliorent et tu finis par maîtriser un peu le truc. Je pense que c’est le meilleur moteur pour progresser : essayer de faire le maximum de choses par soi-même. La création de On and On s’inscrit dans la même démarche. Cela nous a permis de produire nous-mêmes le premier maxi 8 titres d’Hocus Pocus en 2002 et une série de vinyles de breakbeats (la fameuse série Flying saucers, ndlr). On prépare actuellement le premier album de Coups 2 Cross et bien sûr le prochain album d’Hocus qui sortira le 22 février prochain.
Ce sera votre premier véritable album ?
C’est le premier disque sur lequel on prend vraiment le temps de travailler. Chaque morceau est abouti, aussi bien au niveau des samples, que de programmations ou des textes… Rien est laissé au hasard. Nous nous sommes payé le luxe de choisir nos invités en fonction des sons qu’on voulait obtenir, quitte à passer deux mois avant de trouver la bonne personne. Au final, on retrouve sur le disque Coups 2 Cross, Ty du label Big Dada, The Procussions, un collectif de rappeurs new-yorkais, plein de musiciens et d’instruments différents : de la trompette à l’orgue Hammond en passant par la contrebasse… Ce sera aussi le premier disque que l’on sortira dans des conditions de production et de distribution sérieuses. Avoir un album c’est devenu indispensable aujourd’hui si tu veux avoir de la presse, tourner… J’espère que ca va suivre. Wait and see!
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