Comme Stone & Charden ou les White Stripes, Solitude Collective Orchestra est un duo composé d’un homme et d’une femme. La comparaison s’arrête là. Car AnA kAnine et radouL branK, activistes complices et touche-à-tout (théâtre, vidéo, featurings musicaux…), n’officient ni dans la varièté franchouillarde ni dans le blues-rock binaire. Mais dans quoi d’ailleurs ? Officiellement le duo verse dans l’adaptation très personnelle de standards jazz, passés à la moulinette de machines vintage, le tout joué au fond d’un vieux cabaret tapissé de velours rouge. Et qu’importe si on ne reconnaît pas les standards en question : voilà avant tout de vraies (re)créations fomentées par de farfelus laborantins, qui ne gardent le squelette d’une illustre mélodie que pour mieux broder autour un morceau neuf et incarné. Ainsi « Moon Ravel », le titre inaugural, télescope l’assise rythmique du « Boléro » de Ravel avec les paroles du standard « Moon river » susurrées dans une moiteur éthérée par AnA kAnine, pour s’achever dans un grand fracas de cymbales et de synthés tourbillonnants.
Le reste est de cet acabit et possède une classe folle, dans un esprit music-hall désuet et rock’n’roll, parsemé de mélodies suaves et de motifs électroniques brinquebalants, à tordre des guibolles sur le dancefloor. Claviers de cartoons balancés tous azimuts, envolées drum’n’bass sur « Rain or shine », énergie punk loufoque sur « The end of the world », ballade trip-hop comme dézinguée par Aphex Twin sur « All of me »… Vient alors une question : cette musique furieusement moderne vient-elle vraiment du jazz ? Si oui, le centenaire a pris un sacré coup de jeune.