À Sacé et à Olivet, petites communes rurales, deux bars associatifs organisent des concerts. Avec des moyens différents, mais la même volonté de faire vivre leur village et d’ouvrir une scène à des artistes locaux parfois débutants.
Il est des endroits à la grâce inespérée, où la musique est partagée comme un bon repas. Le bar associatif de Sacé a cette beauté. Nichée au coeur du village de 450 âmes, La Grange ouvre tous les vendredis soir de 19h à 1h et accueille 10 à 12 concerts par an – plus des soirées cartes, troc, quizz musical… Ces jours-là, les familles affluent à La Grange pour y déguster la pizza achetée au camion en face et surtout se rencontrer. Aux beaux jours, on s’installe en terrasse et certains soirs de concert, les jeunes massés sur le trottoir feraient presque croire à un festival, les enfants qui courent partout à une kermesse, et les gens de tous horizons qui rigolent ensemble… à l’avenir (rêvé) de l’humanité !
« C’est la vie du village »
J’avoue : j’habite Sacé. Mais je jure que ce portrait idyllique reflète la réalité. « Ce bar, c’est la vie du village, c’est grâce à lui qu’on se sent bien à Sacé », sourit Christine Fulbert, vice-présidente de La Détente, l’association qui gère La Grange. « Ce n’est surtout pas un débit de boissons mais un lieu culturel, de vie, pour toutes les générations. À l’image des pubs que j’ai vus en Irlande », renchérit Philippe Betton, le président. Le jeune quadra, agriculteur, a participé à la naissance de ce lieu hors norme il y a 23 ans : « la commune avait investi pour aménager le café. Quand son gérant a arrêté, un élu a sollicité la jeunesse pour s’en occuper via une association », relate-t-il.
Longtemps, La Grange n’ouvre ainsi qu’occasionnellement. Elle sert de lieu de réunion, et plus tard abrite le foyer des jeunes, puis le point lecture. Les premiers concerts sont organisés au gré des rencontres que font les membres de La Détente… Mais de Saint-Patrick en fêtes de la musique, ils vont se multiplier.
Pas besoin de chercher les groupes
À partir de 2002, une équipe plus étoffée permet d’ouvrir le bar une fois par semaine (une dizaine de foyers constituent l’association et chacun tient le bar trois ou quatre fois par an). Les Sacéens y prennent leurs habitudes ; les musiciens aussi. Pouvant accueillir au maximum 70 personnes, La Grange n’a pas de sono, mais cela ne l’empêche pas de voir défiler la crème des artistes du département… et quantité d’amateurs. Un choix, comme la gratuité systématique de l’entrée : le bar ne touche aucune subvention, son local est simplement mis à disposition gracieusement par la mairie, et La Détente l’a rénové par ses propres moyens en 2012.
Le bouche-à-oreille aidant, de plus en plus d’artistes demandent à se produire à La Grange, si bien qu’une commission de programmation a dû être créée. Johann Guihard, leader du Marabout Orkestra et Sacéen depuis quelques années, en fait partie. En tant que musicien, il apprécie l’ambiance du bar : « on ne sait jamais s’il va y avoir du monde, mais les gens sont là pour écouter. Et l’accueil est bon puisque les groupes veulent revenir ! ».
Un petit frère, inspiré par son aîné
À Olivet (400 habitants), une expérience similaire vient d’être lancée, inspirée notamment du bar de Sacé. Depuis septembre, le Café du Garage ouvre tous les vendredis soir, de 18h30 à 1h. L’association responsable du lieu, La Voix de Garage, compte déjà 50 adhérents dont une vingtaine de bénévoles actifs. Et organisait sa première soirée en juillet dernier.
Comme à Sacé, le projet s’est construit dans un esprit participatif, et est parti du même constat : le dernier commerce du village, un café-garage (!), allait fermer. Mais l’objectif qu’a atteint La Détente au fil des années était fixé dès le départ à Olivet : « la municipalité a acheté le lieu en vue d’en faire un outil au service du lien social, un endroit où tous les âges puissent se croiser, expose Élise Drouet, membre de La Voix de Garage. Elle nous a associés dès le départ à la conception du lieu, et souhaite qu’on organise des choses au café : concerts, spectacles, mais aussi soirées tarot, tisanes, etc. »
Ambitieux et atypique pour une si petite commune, le projet (dont le budget dépassait les 500000 euros) a bénéficié de plusieurs aides financières (Europe, Région, Caf…). « On a lutté pour les obtenir », souligne la maire d’Olivet, Noëlle Illien, quinqua combattive et élément moteur du projet. La commune subventionne aussi l’association. La saison culturelle du Pays de Loiron, elle, lui prête sono et éclairages, et va même programmer en février un spectacle au café.
Une vraie salle de concert à côté
Le bar, de taille modeste, est accolé à une salle multi-fonctions de 120 m2 avec la possibilité d’installer une scène, une billetterie, de faire le noir… « On y organisera les concerts les plus importants en terme de public ou de nombre de musiciens. Les groupes plus petits jouent directement dans le bar », précise Élise. Les concerts, gratuits généralement, peuvent être payants lorsque le groupe invité est plus renommé.
Mensuelle, la programmation est conçue dans l’idée « d’ouvrir au maximum les propositions, avec l’envie de soutenir de jeunes artistes et plutôt des locaux ». Si la question des aides fait différer les projets, y règne le même esprit de découverte. Et à Olivet comme à Sacé, les enfants chahutent dans le bar, tandis que leurs parents savourent une BAM. Excellente bière artisanale locale, dont les créateurs, à Montflours, rêvent aussi de s’offrir… un café associatif. Ça vous donne des idées ?
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